Soirée d'hommage à Bill VIOLA

Le 1 mars 2025 à 18h00 Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains

Heure Exquise !, en partenariat avec Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains, vous convie à une soirée exceptionnelle en hommage à Bill Viola, figure majeure de l’art vidéo, disparu en juillet 2024. 

Une occasion unique de plonger dans l’univers métaphysique et contemplatif de cet artiste qui a redéfini les frontières de l’image en mouvement.

Extrait de "Bill Viola, Expérience de l'Infini" un film de Jean-Paul Fargier

CONFÉRENCE QUAND VIOLA JOUAIT SOLO par Jean-Paul FARGIER

La soirée s’ouvre par une conférence de Jean-Paul Fargier, écrivain, critique de cinéma et  spécialiste de l’art vidéo. Auteur du documentaire « Bill Viola – Expérience de l’infini », Jean-Paul Fargier apportera un éclairage précieux sur l’œuvre et la pensée de l’artiste...

«Allez, on repart à zéro. Même si vous l’avez déjà croisé un grand nombre de fois, toute nouvelle rencontre avec Bill Viola (1951-2024) est comme une première fois. Du genre dont on ne se remet pas ! J’ai vu ça avec mes étudiants, chaque année, quand j’abordais Viola dans mon cours sur l’art vidéo à Vincennes puis à Saint-Denis (Université Paris 8). Ils ne s’en remettaient pas : la notion d’art vidéo avait changé de niveau. Ils avaient rencontré quelqu’un. 
    Ce soir, au Fresnoy, nous allons nous aussi rencontrer ce Quelqu’un, à travers 3 œuvres de l’époque où il jouait solo, se mettait seul en scène, sans faire appel à des tiers, comédiens ou amis complices. Voici donc The Reflecting Pool (1977, 7’), Chott-el-Djerid (1979, 28’), The Passing (1991, 54’). Deux vidéos qui ont marqué ses débuts, une autre qui sonne, signale, accomplit son entrée dans la maturité. Trois œuvres où sa présence est patente. 

Mais également épatante : elles amènent leurs spectateurs au bord de la stupéfaction. Est-ce bien vrai ce que je vois ? Comment est-ce possible ? Suis-je encore dans un état normal ? Où ai-je basculé ? J’ai appelé cette impression de désorientation des sens et surtout de la vision : la berlue, la première fois que j’ai vu The Reflecting Pool et Chott-el-Djerid en décembre 1980, à l’American Center de Paris. Depuis, j’ai revu ces vidéos des dizaines de fois et chaque fois j’ai été éberlué.

 Ce soir je le serai encore en guettant le moment où le nageur de la piscine, juché sur la margelle du bassin, s’éclipse à mon insu et se fond dans le fond. Ou quand, dans le désert du Sud Tunisien, deux motards qui ne formaient d’abord qu’un seul bloc de chaleurs tremblantes se séparent, s’individualisent, tandis qu’un peu plus tard un homme avance (off) vers une flaque où ils jettent une pierre, alors qu’un peu plus loin une cohorte de femmes, coagulées par un mirage, s’agglutinent autour d’un puits. Spectacles stupéfiants de couleurs, de lenteurs, de splendeurs.
 

    La stupéfaction que provoque The Passing est d’un autre ordre, c’est celle de l’audace, et plus de la contemplation. Le passage dont il est question ici est celui définitif de vie à trépas, et la mort que la caméra de l’artiste enregistre est celle de sa mère, que l’on voit effectivement s’éteindre au cours d’un plan séquence osé. Plan d’une rare impudique pudeur, qui ne se justifie d’être offert aux spectateurs que par le château (fort) d’images qui l’entourent et lui servent d’écrin. 
Autant de métaphores extirpées d’actions provoquées, où se risque l’artiste pour saisir l’article de la mort : passage de veille à sommeil, rupture de verticalité dans la marche, apprentissage de la marche par un enfant, qui n’est autre que le fils de Viola et donc le petit-fils de la morte, traversées multiples de zones de lumières nocturnes, tunnel, et à la fin enfouissement sous l’eau, au risque de la noyade.  

    Cet aveu de trauma heureux a ouvert de nouvelles perspectives sur l’ensemble des œuvres de Viola et en particulier sur son tropisme de l’eau. Il faudrait reconsidérer à cette lumière tout ce qu’on a dit et écrit sur lui.     Théorème : les œuvres si bizarrement vivantes de Viola sont les ressassements secrets d’un survivant. Débrouillons-nous avec ça, vous et moi.»


Jean-Paul Fargier

Projection de 3 oeuvres emblématiques de Bill Viola

The Reflecting Pool

THE REFLECTING POOL
Etats-Unis | 1977-79 | 7 mn
Dans cette œuvre, tous les mouvements et changements dans une scène, par ailleurs immobile, se limitent aux reflets à la surface d’une piscine dans les bois. Suspendu dans le temps, un homme plane dans un saut figé au-dessus de l’eau, tandis que des techniques subtiles de cadrage fixe et de saisie multiple joignent des couches de temps disparates en une seule image cohérente. Viola écrit que « la pièce concerne l’émergence de l’individu dans le monde naturel – une sorte de baptême ».

 

Chott-el-djerid - Bill ViolaCHOTT-EL-DJERID (A PORTRAIT IN LIGHT AND HEAT)
Etats-Unis | 1979 | 28 mn
Chott el-Djerid est une remarquable étude de la perception et de la transcendance. Viola écrit que «Chott el-Djerid est le nom d'un vaste lac salé asséché dans le désert du Sahara tunisien où les mirages sont les plus susceptibles de se former sous le soleil de midi. Ici, la chaleur intense du désert manipule, plie et déforme les rayons lumineux de telle manière, à tel point que l'on voit réellement des choses qui n'existent pas. [...] En fin de compte, l'œuvre ne parle pas tant de mirages que des limites de l'image. c'est-à-dire à quel point la rupture des conditions normales, ou le manque d'informations visuelles adéquates, nous amène-t-il à réévaluer nos perceptions de la réalité et à réaliser que nous regardons quelque chose qui sort de l'ordinaire - une transformation du physique en le psychologique.»

THE PASSING
Etats-Unis | 1991 | 54 mn
The Passing parcourt de manière obsédante les terrains de la conscience, du subconscient et les paysages désertiques du Sud-Ouest, mêlant le sommeil, les rêves et le drame de la vie éveillée dans un chef-d’œuvre époustouflant. Viola, placé au centre de cette exploration personnelle du temps et de l’espace modifiés, représente sa mortalité sous des formes telles qu’un nouveau-né scintillant, sa mère décédée et l’artiste lui-même, flottant, immergé sous l’eau. Rendu en noir et blanc, à la fois austère et poignant, The Passing renforce la notion de conduit perméable entre réalité et surréalité. Une bande sonore irrépressible de la respiration laborieuse de Viola pendant son sommeil et son éveil sert à entraîner le spectateur à travers une topographie d’un autre monde.