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et des plans de numérisation 2009 et 2010 du Ministère de la Culture

LANGAGE DES FLEURS (LE)

de FATMI Mounir

FRANCE, 2017, 00:10:20

Production : FATMI Mounir
Genre : Art vidéo
Mots-clés : Amour, Relation, Couple

Résumé :

« Le désir de l’homme trouve son sens dans le désir de l’autre » Lacan

Entre désir fou et désespoir, la question de la possibilité – ou de l’impossibilité – d’un authentique partage interculturel est un fil rouge que l’on retrouve tout au long du travail de mounir fatmi. L’artiste aura aussi anticipé la question aujourd’hui d’une acuité brûlante d’une autre (im)possibilité : celle de la rencontre des genres – notamment avec sa vidéo intitulée Something is possible, rarement vue, alors qu’elle fut créée en 2006.

Aujourd’hui, avec le Langage des Fleurs (2017, vidéo et série photographique), fatmi repose cette même question : quelle rencontre, quels échanges, quels langages communs entre hommes et femmes ? Car les fleurs, en l’occurrence, pour fatmi, ce sont les humains, femme et homme, à la recherche d’eux-mêmes et de l’autre. Immobilité. Silence. Indifférence de la forêt, de la nature au spectacle qui se déroule en elle. La forêt, un espace aussi impénétrable que la nature de l’union entre deux personnes, entre deux mondes.

Les végétaux, dit-on, sont pourvus de centaines de capteurs sensoriels qui leur permettent de s’adapter, de manière aussi discrète qu’efficace, aux menaces extérieures, aux rencontres de tous types : par exemple, les plantes agressées par des prédateurs produisent plus de tanins, pour lutter contre ces prédateurs, puis envoient un signal chimique sous forme d’émission de gaz d'éthylène qui se disperse dans l’air afin d’alerter les autres plantes qui produiront alors, elles aussi, davantage de tannins. Les plantes ainsi se sauvent elles-mêmes et entre elles, sans remuer une feuille.

Métaphore du langage : les fleurs de fatmi, femme et homme, communiquent comme des orchidées pourraient le faire. Des orchidées noires : les vêtements des deux acteurs, costume et robe, sont noirs et sembleraient presque interchangeables, quand bien même leur « genre » les définit, les contraint. L’autre, notion cruciale dans le travail de fatmi, est ici en constamment en miroir : les deux fleurs, la femme et l’homme, entre eux et avec nous spectateurs, chacun de nous servant de miroir à l’autre.

Contraints à l’immobilité que génère parfois le trop-plein de sentiment, l’être humain, au même titre que les plantes, met en place des stratégies de défense – des signes physiques et chimiques, tout un langage du corps. Les « fleurs » de fatmi ainsi s’observent, s’approchent, s’éloignent, en une danse minimaliste, émouvante, intrigante et sensuelle à la fois. Peut-être ce langage du corps, ce langage « naturel », est-il le seul qui puisse représenter, dans le meilleur des cas, ce langage commun que fatmi appelle de ses vœux. Et pourtant, pendant de longues minutes de vidéo, le réalisme désespéré, le désespoir éclairé de fatmi tendent vers le verdict d’impossibilité : femme et homme ne se rencontreront jamais. Ils s’approchent l’un de l’autre (ou elles s’approchent, puisque ce sont des fleurs), puis s’éloignent, se tourne le dos, passent de la couleur au noir et blanc, font bruisser les feuilles du sol où se perd leur regarde, puis reviennent, et essaient encore, de s’accrocher à l’autre.

À la fin, est-ce l’espoir qui se concrétise dans le happy end du baiser ? Pas si sûr. Tout d’abord, l’on ne sait trop quelle est la part de parodie dans ce happy end violent, alors que Le baiser est un thème dont mounir fatmi a une connaissance approfondie, jusqu’à avoir publié un livre intitulé The Kissing Precise. Dans le langage des fleurs de fatmi, le baiser n’est pas cette expression du désir enchanté qu’il est dans cette autre série photographique de l’artiste, intitulée Casablanca Circles. Le baiser des fleurs ressemble davantage à une dévoration inquiétante qu’à une union désirbale. Fleurs cannibales ? Impossible union parce que celle-ci conduirait à la dissolution de l’un des protagonistes ? fatmi semble bel et bien vouloir nous rappeler, par ce happy end peut-être malheureux, que la possession de l’autre est impossible, même dans l’éros, et qu’elle n’est même pas souhaitable. L’union-fusion entre deux êtres humains reste illusoire et seule la découverte de l’autre est à la fois possible, désirable et sublime. Ce n’est que dans cette découverte que la communication entre les deux corps devient presque palpable. Fatmi parlait déjà de l’impasse de la relation dans sa toute première vidéo, Fragile (1997), il y a plus de vingt ans « Si deux choses s’unissent, ou bien les deux subsistent et restent alors deux réalités distinctes, ou elles disparaissent pour devenir une troisième chose différente, ou il n’en reste qu’une des deux et l’autre cesse d’exister ».

S’agit-il aussi, au fil des ans, dans ce Langage des Fleurs, d’un Prolongement, dans cette œuvre, de la question non résolue du mariage (im)possible entre l’Orient et l’Occident ? Pas si sûr. Nous sommes encore bien loin d’un vrai désir, d’une vraie découverte entre ces deux mondes, l’Orient et l’Occident. Alors que dans la forêt dans laquelle se meuvent les fleurs de fatmi, il semble bien que la complexité du monde soit retranscrite dans la chair. Pour ce qu’elle est. L’intensité des regards alterne avec leur absence. Les corps existent. S’il ne se découvrent pas encore, une chose est certaine : l’artiste, lui, les a découverts.

Et la vraie « possibilité », le réel espoir distillé par cette œuvre de mounir fatmi, semblent en fin de compte contenus dans la poétique que l’artiste fait naître par son travail de création. Créer, chercher, imaginer (faire image), transformer (donner forme) : c’est l’espoir en marche. Envers et malgré tout. Un espoir qu’il faut prendre le temps de ressentir, sous la surface, dans cette œuvre vidéo et photographique aussi profonde que sensible. Sensible et non sentimentale, car fatmi ne cède jamais à la sentimentalité, même au creux du désespoir, et ses fleurs et leur langage restent jusqu’à la fin – et au-delà car en réalité il n’y a pas de fin – à la fois érotiques et mystérieux.

Le désir, alors, grandit : celui de regarder encore. De découvrir à notre tour et, peut-être, de comprendre. 

Barbara Polla, Mars 2018

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Langue originale : _sans paroles
Format d'origine : vidéo HD
Cadre : HD – 1920X1080
Chromie : Couleur
Fiche technique : Sans paroles

Location : 120 euros

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